“Aujourd’hui le sénégalais ne s’identifie pas aux productions cinématographiques nationales”
Cinégal Pictures est une structure évoluant dans le milieu cinématographique sénégalais. Riche de huit productions toutes couronnées de succès. Pas une seule n’est passée inaperçue. Le réalisateur autodidacte de Dikoon Chérif Ace Faty, la série phare du petit écran avec une plume de maître de Alioune Ndjaye, fait l’état des lieux de notre paysage audiovisuel.
Voici son interview avec senalioune
Chérif Ace Faty est aujourd’hui l’un de ces nombreux jeunes sénégalais se forgeant une image dans le lanterneau de l’entrepreunariat juvénile souvent issus de la classe moyenne avec des moyens financiers réduits, c’est ça ?
Oui ! ( il hésite un moment et laisse échapper un sourire). Je m’appelle Chérif Ace Faty. “Ace” signifie Aïdara Samsidine. Je suis un jeune sénégalais passionné de cinématographie. Avec une expérience dans l’audiovisuel vieille de onze bonnes années parsemées d’embûches. ( rires). Je me présente dans le milieu cinématographique comme un réalisateur autodidacte. Parti de rien. En plus de “Dikoon” mon répertoire totalise huit réalisations pour être précis.
Est-ce que tout de suite le milieu vous a sourie, avez-vous rencontré les bonnes personnes au bon moment ?
C’est à la suite de mes débuts très difficiles de réalisateur amateur et dans le souci d’améliorer la qualité de mon offre, puisque le milieu devenait exigeant, que j’ai commencé à suivre des cours de découpage vidéo, nonobstant les ateliers de perfectionnement auxquels j’ai eu à participer durant ma carrière professionnelle. C’était et c’est toujours difficile mais j’ai opposé la hargne, la fougue de ma génération aux premiers coups bas du paysage cinématographique.
« À défaut de ne n’avoir pas été à Hollywood j’ai créé mon propre [Sollywood] ici à Dakar basé à HLM Grand-Yoff qui est Cinégal Pictures »
Aujourd’hui est-ce que le métier de réalisateur nourrit son homme, quel sentiment éprouvez-vous du succès de Dikoon ?
De la surprise ! Dikoon qui passe régulièrement au petit écran a accusé une grande audience. Je ne peux que m’en réjouir. Depuis dix ans que je fais des productions cinématographiques, je suis resté fidèle à Cinégal Pictures. Cette équipe de jeunes filles et garçons très dynamiques est présente dans toutes mes réalisations. Bon, parfois dans le but de diversifier les personnages, nous ouvrons le casting à un public élargi de Cinégal Pictures, c’est l’un des principes ou exigences du modeste réalisateur que je suis et de mon équipe de jeunes acteurs. Un club composé d’une trentaine de membres. Nous ne sommes pas qu’une sélection ou une équipe au sens ordinaire. Cinégal Pictures est une école. Nous organisons régulièrement des ateliers de jeu d’acteur. Dans mes productions il n’y a jamais été question de favoritisme lié aux atours physiques de l’acteur ou de l’actrice mais aux qualités, aux talents de celui-ci ou de celle-là finement incarnés lors de la compétition, c’est-à-dire le casting. Ceci dit que tous les acteurs garçons jouent en passant au casting pour les rôles masculins et les filles également. C’est à la suite de ce casting que les rôles sont partagés. Et si certains passages ne sont pas convenablement
représentés nous ouvrons le casting à un public élargi de Cinégal Pictures comme je le disais tantôt. C’est pourquoi c’est seulement les 80% de mes productions qui sont incarnés par Cinégal Pictures. À défaut de ne n’avoir pas été à Hollywood j’ai créé mon propre Sollywood ici à Dakar basé à HLM Grand-Yoff. Nous développons dans nos films de sujets sociaux. Notre objectif reste inchangé : la révolution du cinéma sénégalais.
“ Nous ne sommes pas qu’une sélection ou une équipe au sens ordinaire. Cinégal Pictures est une école. Nous organisons régulièrement des ateliers de jeu d’acteur.”
Quand est-ce allez-vous renouer avec les films faits pour les grandes salles ?
Mon dernier court-métrage est intitulé Karim. Long de 26 minutes. Le synopsis porte sur le déplacement en milieu hostile. Zone de tension ( conflit armé). Un bus de transport en commun s’est posé sur une mine anti-personnel et l’explosion de l’engin dépend du maintien ou non du poids constant du véhicule. Alors entre le sauve-qui-peut et la solidarité entre les passagers pour la survie de tous, c’est un suspense à vous couper le souffle pendant une bonne demi-heure chrono contre la montre. Nous avons présenté ce film au festival des films amateurs au Maroc en 2016. Il est sorti en salles depuis trois ans ( ndlr 2015 ). Il est également disponible sur les plateformes de téléchargement. La surprise pour le nouvel an est un film d’aventure, d’action. La bande annonce de Impasse c’est pour bientôt. C’est un film qui signe le retour de Cinégal Pictures après trois ans de break. À l’honneur et au plaisir du public sénégalais.
Exactement ! On vous attendait exclusivement du côté du cinéma, c’est comme si vous avez un nouveau domaine de prédilection dans ce milieu que vous avez fait le vôtre ?
Aujourd’hui je suis et à la télé et au cinéma. C’est toujours l’audiovisuel. Malgré les similitudes il y a une grande différence. Mais c’est de l’expérience. Rien ne me prédestinait aux séries destinées exclusivement à la télévision. Les grands écrans demandent beaucoup de professionnalisme et leurs budgets de fonctionnement pèsent lourds. Il faut dire que Dikoon a été un parfait laboratoire pour moi.
C’est quoi donc la surprise pour le nouvel an 2018 ?
Pour ce qui est de la nouveauté il s’agit de “Impasse”. Et là nous n’avons pas encore commencé la promotion. Pour le moment pour des raisons professionnelles. Mais nous reviendrons bientôt avec d’amples informations concernant ce présent projet. Nous travaillons avec des structures auxquelles nous avons des obligations de réserve à certaines étapes d’un projet de cette dimension.
“ Dans un film si le téléspectateur se rend compte que l’acteur « joue » un rôle dans ce cas de figure c’est un mauvais acteur ”
Quel regard portez-vous sur le paysage cinématographique sénégalais de nos jours ?
Ces dernières années le cinéma sénégalais semble avoir de beaux jours devant lui. Nous nous faisons un nom en Afrique. À un moment avec le père Ousmane Sembène nous étions les chouchous du cinéma africain aujourd’hui le Burkina à travers le Fespaco a pris les devants. Nous avons des grands noms actuellement qui font la fierté du Sénégal. Même si le combat n’est pas judicieusement mené comme nous le souhaiterions, nous avons quand même, comme je le disais tantôt, de beaux jours devant nous. Aujourd’hui le sénégalais ne s’identifie pas dans notre cinéma. C’est comme si nous produisons pour l’exterieur. Nous gagnons assez de récompenses symboliques à l’étranger mais nos productions sont mal consommées de l’intérieur. Ceci peut s’expliquer techniquement. Il faut changer ou améliorer l’approche. Il faut différencier le langage des personnages aux langages trop intellectuels et peu urbains culturellement parlant. Dans un film si le téléspectateur se rend compte que l’acteur « joue » un rôle dans ce cas de figure c’est un mauvais acteur. Je termine en remerciant aujourd’hui un grand Monsieur qui vient de nous quitter, nous avons eu une grande perte en la personne de Mr Abdoul Aziz Boye. Je dois à ce grand professeur d’énormes choses au delà du fait qu’il a eu me former. À travers cette colonne je profite pour lui rendre un vibrant hommage au nom de toute la jeunesse sénégalaise. Sa mort nous a vraiment surpris. Je ne m’attendais pas à cela. Pas cette année. Mais c’est la vie, car la mort c’est la loi de notre espèce. Que son âme repose en paix. Le départ de cet homme de valeur nous a vraiment attristés. Le cinéma sénégalais est en deuil et sa tristesse blesse nos cœurs. Mr Abdoul Aziz Boye a presque formé gratuitement tous les jeunes réalisateurs sénégalais. Le cinéma est la vitrine du monde. Pour ce qui est du Sénégal l’héritage de cet éminent professeur doit être perpétué.
Quel est votre mot à l’endroit de la jeunesse africaine en général sénégalaise en particulier ?
C’est un message patriotique. L’Afrique doit être un Pays-Continent à l’image de l’Amérique du Nord. Partout en Afrique nous retrouvons beaucoup de communautés linguistiques mais nous demeurons un seul PEUPLE. Nous les jeunes nous sommes appelés à surmonter les obstacles de notre génération et vivre et cela. Malgré la conjoncture qui prévaut partout en Afrique c’est ici et nulle part ailleurs que tout reste à faire.
Propos recueillis par
Ibrahima Diallo/ senalioune.com