Bien plus qu’une mode, le tatouage est devenu phénomène de société. Ce qui fut longtemps considéré comme l’apanage des pervers, des repris de justice ou des professionnelles du sexe, a fait une entrée fracassante dans nos coutumes.Cette caligraphie ayant pour support la peau humaine s’est désormais fait une place chez les sénégalaises et sénégalais Monsieur et Madame Tout-le-Monde au même titre que le maquillage ou les accessoires de mode.
Résultats, les officines de fortune de tatouage pullulent les artères de notre ville, Dakar, et ses périphéries se sont multipliées à travers la ville. Voici 25 ans, Mame Lo, le tatoueur de l’avenue Blaise Diagne, était pratiquement le seul en place.Depuis, le nombre d’enseignes a considérablement évolué dans la capitale sénégalaise.
“Tatouer est en effet devenu un boulot en vogue, confie ce dernier.L’épaisseur du trait dépend de la pression sur le dermographe, un art compliqué.C’est logique puisque de plus en plus en plus de gens se font tatouer. Cela dit, il y en a même trop, certains ne font pas long feu.Il faut très longtemps pour se faire une réputation que seul le bouche à oreille peut vous offrir”.
Et, manifestement, les amateurs viennent de tous les milieux sociaux, de 16 à 45 ans chacun veut son dessin personnalisé sans autorisation autorisation parentale préalable pour les mineurs.
Premières clientes : les femmes
“Le phénomène vient notamment du fait que plusieurs stars y sont venues, remarque Ousmane, un tatoueur sans atelier fixe. Les gens viennent avec la photo du tatoo de leur vedette préférée et en veulent une copie exacte. Cela dit, on m’appelle aussi régulièrement me voir avec une photo que l’on me demande de reproduire”.
Un art difficile dans lequel Ousmane s’est spécialisé après avoir suivi deux années d’heures perdues au près d’un capverdien dans un bistrot de la place, histoire de se « familiariser avec les seringues et les ambouts de se perfectionner, le laser aussi rarement », nous confie-t-il. Autre donnée qui vient grossir le nombre de tatoués : les femmes. Alors qu’autrefois, elles se passaient des services d’un tatoueur, elles composent maintenant 80 % de la clientèle.
“Dès qu’elles ont un tatoo, elles en veulent très vite un autre, elles sont bien plus demandeuses que les hommes. Elles choisissent souvent des dessins de petite taille, situés sur des endroits discrets”.
Et puis, il y a le maquillage permanent, là encore, l’exercice est difficile car “il faut travailler au quart de millimètre près, à la profondeur parfaite.Avec des machines performantes et une encre ad hoc, surtout pas trop diluée si on veut éviter de mauvaises surprises“.
Inutile de préciser que dans ce cas précis comme dans tous les autres, l’hygiène est la clé de voûte d’un tatouage réussi.
Des mesures drastiques doivent être prises par l’État, résume Ousmane. L’autoclave est bien sûr indispensable, il faut compter près de 2 millions de francs CFA pour un matériel de haute game, c’est-à-dire qui désinfecte parfaitement. Ensuite, les piercings et les tatouages ne peuvent plus se faire dans la même pièce.
De plus il faut un lavabo dans chaque local et une salle séparée pour les déchets. Les aiguillent doivent être à usage unique et porter une date de péremption. Pareil pour les matériels du dermographe, lesquels peuvent néanmoins être désinfectés à l’autoclave. Les tatoueurs ambulants désormais doivent être bannis, même si moi-même je le faisais durant mes débuts.
Le piercing aussi suit sont petit bonhomme de chemin, si le nombril est en train de passer de mode, le piercing de la langue ou des lèvres a toujours la cote.
Bref, il faut le faire consciencieusement, « en prenant son temps, au moins une demi-heure. Alors que percer un nombril prend 5 minutes […] » Bannis par l’Islam, la religion de plus de 95 pour cent des sénégalais et paratiqués exclusivement par nos frères et sœurs en Islam, le phénomène est loin de s’éteindre. Serons-nous un jour tous tatoués ? Parce que le tatouage semble avoir de beaux jours devant lui.