Le point – Corruption, gouvernement, financement : les dossiers s’amoncellent sur la table des chefs d’État réunis pour le 30e sommet de l’UA, qui se tient jusqu’au 29 janvier.
Lutte contre la corruption et observation des élections 2018, c’est le vaste programme sur lequel s’apprêtent à plancher les chefs d’État africains, les 28 et 29 janvier à Addis-Abeba. Le président rwandais Paul Kagamé mènera les débats, puisqu’il reprendra la présidence de l’Assemblée, assurée en 2017 par Alpha Condé, président de la Guinée.
Objectif 2018 : éradiquer la corruption
Le thème à l’honneur cette année : « Gagner la lutte contre la corruption : un chemin durable vers la transformation de l’Afrique ». C’est peu dire que ce thème est en parfaite adéquation avec l’actualité de certains chefs d’État présents. À commencer par le Sud-Africain Jacob Zuma, englué dans une série d’affaires de corruption et de fraude.
Mais, au-delà des dirigeants, le problème touche une grande partie des Africains, dans toutes les strates de la société. C’est ce qui ressort du dernier Index sur la perception de la corruption réalisé par l’ONG Transparency International. Et parmi les plus mauvais élèves en la matière, le rapport cite la Somalie, le Soudan du Sud ou encore la Guinée-Bissau. Mais l’étude, qui se base sur des données de l’année 2016, montre aussi que plusieurs pays s’en sortent bien. Le Botswana est classé 35e sur 176 pays étudiés, avec un index de 60 sur 100, 0 étant le score le plus mauvais. Il est suivi de près par le Rwanda, classé 50e, avec un index de 54 sur 100. Quant à la Namibie, elle s’en sort avec la 53e place, avec un index de 52.
Pour que ces chiffres soient contagieux au reste du continent, l’UA devra de fait s’attaquer aux facteurs principaux de la corruption. Dans son rapport 2016 sur le sujet, la Commission économique pour l’Afrique explique que « l’absence de bonne gouvernance » engendre « des institutions faibles, un équilibre des pouvoirs inefficace, des cadres juridiques et réglementaires insuffisants, et des mécanismes d’exécution peu efficaces ». Autant de facteurs qui favorisent la corruption. Le dernier indice général Mo Ibrahim sur la gouvernance 2017 met dans le fond de son classement, en adéquation avec l’index de Transparency International, la Somalie, le Soudan du Sud et l’Érythrée.
Avec ce thème, l’UA met donc les pieds dans le plat et semble s’imbriquer dans une dynamique déjà amorcée par plusieurs dirigeants. Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a, par exemple, promulgué début janvier un projet de loi portant sur la création du nouveau Bureau du procureur spécial (OSP). Autrement dit, un organisme dédié chargé d’enquêter sur les affaires de corruption et qui pourrait viser les fonctionnaires, des politiques ou des personnes issues du privé. Au Tchad, c’est par le biais d’un numéro vert que la population pourra dénoncer des actions de corruption. Un projet présenté à N’Djaména il y a quelques jours.
Surveiller les élections
Autre question abordée par les chefs d’État, celle des élections 2018. Cette année, pas moins de dix-huit scrutins électoraux se dérouleront sur le continent. Et parmi eux, celui du Zimbabwe, tout juste investi d’Emmerson Mnangagwa après l’éviction de Robert Mugabe, le nouveau président a annoncé, le 24 janvier, la tenue d’élections présidentielle et parlementaires « avant juillet », précisant son souhait d’avoir des « élections libres, justes, crédibles et qui ne soient pas entachées de violence ». Une promesse que l’UA devrait s’atteler à faire respecter. Pour l’ONG International Crisis Group, l’organisation panafricaine n’aura d’autre choix que de « pousser le gouvernement à nettoyer les listes électorales, de prévoir un mécanisme de contrôle indépendant de la Commission électorale zimbabwéenne et de créer un environnement politique dénué de violence, d’intimidation et de propagande ». Un coche à ne pas louper pour l’UA. Le bon déroulement d’élections libres au Zimbabwe sous son égide est une opportunité pour l’institution d’agrandir son influence en prouvant son efficacité.
Plus épineuse, la mise en place de scrutins en République démocratique du Congo (RDC). La commission électorale du pays a fixé des élections le 23 décembre 2018, en dépit de l’accord de la Saint-Sylvestre, qui les avait prévues en décembre 2017. L’UA a donc près d’un an devant elle pour renforcer ses efforts de diplomatie en RDC. « Mener une action concertée et coordonnée, fondée sur un nouveau calendrier, un vote crédible, l’ouverture de l’espace politique et la garantie que la Constitution ne sera pas amendée pour permettre à Kabila de renouveler son mandat », autant de tâches auxquelles l’organisation va devoir s’atteler, selon International Crisis Group. Encore une fois, son rôle dans la résolution de la crise pourrait lui permettre de peser davantage sur l’échiquier des puissantes institutions mondiales.
Zone de libre-échange et open sky africain
En dehors de ces préoccupations, les chefs d’État devraient également aborder des sujets d’ordre économique. Et en premier lieu celui de la création d’une zone de libre-échange continentale (ZLEC), incluant les 54 États. Elle abolirait les barrières tarifaires et douanières entre les pays, permettant à 1,2 milliard de consommateurs de renforcer la compétitivité africaine. Le projet, évoqué pour la première fois en 2012 lors de la 18e session ordinaire de la Conférence de l’UA, devait originellement être mis sur pied en 2017. Les négociations avancées de ces dernières années – en 2016 s’est tenu le troisième forum de négociation de la ZLEC à Addis-Abeba – permettront peut-être au projet de voir le jour en 2018.
Autre projet que porte le président de la Commission de l’UA Moussa Faki Mahamat, la libéralisation du ciel du continent. L’open sky africain, inscrit parmi les douze projets prioritaires de l’Agenda 2063, sera donc lancé le 28 janvier, 23 pays du continent ayant déjà donné leur accord. Le « Single African Air Transport Market » (SAAT) stimulera « les investissements transfrontaliers dans les industries de production et de services, y compris le tourisme, qui ont permis la création de 300 000 emplois directs supplémentaires et de deux millions d’emplois indirects », a déclaré la commissaire en charge des infrastructures et de l’énergie à la Commission, Amani Abou Zeid, dans un communiqué de presse de l’organisation. Une mesure qui inquiète les compagnies aériennes locales et dont l’application est menacée par le déséquilibre qui existe entre les différents marchés. En effet, environ 70 % du ciel africain est dominé par des compagnies non étrangères.
Par Marlène Panara