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Mauritanie : regards croisés sur la mine d’or de Taziast et la malédiction des hydrocarbures…

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Dans un secteur énergétique en pleine mutation, sur fond d’abondance pétrolière et de compétition intense pour attirer les investissements, les analystes s’opposent sur les perspectives de croissance de la production africaine.

Au début de l’été, Le Monde Afrique a été destinataire d’une somme de documents sur l’implication du géant minier Kinross en Mauritanie. Ces pièces nourrissent l’enquête du département de justice et de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organe de surveillance de la Bourse américaine, sur le cinquième producteur d’or au monde, qui exploite la mine de Tasiast.

Une série de documents consultés par Le Monde Afrique laissent entrevoir les liens étroits qui unissent le géant minier canadien au clan du pouvoir dans le pays.
Révélées au début d’octobre, les investigations n’ont provoqué qu’un liminaire communiqué. La compagnie assure qu’elle collabore pleinement avec les autorités et les enquêteurs, annonce qu’elle ne fera pas de plus amples déclarations à ce sujet, et précise qu’une investigation interne est menée par ses propres soins depuis 2013. « Le géant a fait mine de ne pas trembler » avise Monde Afrique..

En rachetant en septembre 2010 la mine à Red Black Mining pour 7,1 milliards de dollars, Kinross a en effet « hérité de conventions aux contours baroques, que l’entreprise, prudente, soumet immédiatement à une expertise juridique ».
Par exemple, une convention douanière signée le 17 janvier 2008, que Le Monde Afrique a pu consulter, prévoit que la société exploitant la mine d’or de Tasiast fournisse des locaux aux agents des douanes, leur assure un forfait mensuel de 4 200 euros et précise que deux fonctionnaires de l’Etat mauritanien devront assurer l’escorte du transport d’or. Le 1er janvier 2009, un nouveau protocole rehausse la facturation de cette même escorte à 1 120 euros par mois, et prévoit la fourniture d’une voiture neuve et d’un nouveau local pour les douaniers. En avril 2010, les tarifs montent encore. Ce seront 9 100 euros que devront verser chaque mois les gestionnaires de la mine de Tasiast aux douanes mauritaniennes.

Ce n’est apparemment pas le seul service d’Etat dont RBI aura à prendre soin. La gendarmerie nationale a aussi ses exigences, comme le décrit une convention datée du 25 août 2008.

Les faits pointés par ce lanceur d’alerte portent sur des dizaines de millions d’euros et mettent en lumière un vaste système de corruption mis en place en Mauritanie. Un mauvais film dans lequel on retrouve des hommes, dont « des très proches du chef de l’Etat, qui pactisent avec les plus hauts cadres de l’entreprise ».
Malgré ces arrangements, compromissions et recrutements au sein du clan présidentiel, l’aventure mauritanienne de Kinross Gold Corporation se révèle être un échec coûteux, aggravé par la chute du cours de l’or (1 120 dollars l’once). Produire une once d’or à Tasiast revient à 1 063 dollars. Pour le groupe, l’exploitation de la mine de Tasiast est de loin la plus onéreuse, bien plus chère que ses mines d’Amérique du Sud, de Russie ou du Ghana. Mais la direction du géant minier ne dit pas si les émoluments versés au clan du président pèsent dans la balance.

Vendredi 17 septembre, le groupe a annoncé le licenciement de 225 de ses 1 200 salariés en Mauritanie. Les partis d’opposition et les syndicats s’indignent de la suppression de ces postes. Il semble loin le temps où Kinross Gold Corporation promettait la création de 4 000 emplois. « Les Mauritaniens avaient placé beaucoup d’espoir en Kinross, mais aujourd’hui, il y a une grande frustration », déplore le leader syndicaliste Mohamed Lehdib Cherif, interrogé par le quotidien canadien The Globe and Mail.

L’agacement s’est immiscé jusque dans les plus hautes sphères mauritaniennes. « Le pouvoir mauritanien est très agacé par les reculades de Kinross sur les investissements de Tasiast, décrit au Monde Afrique un minier qui possède plusieurs gisements sur le continent. Ils le prennent comme un manque de respect. Et les plus faucons du régime envisagent même une expropriation ». Une simple menace en l’air ?
L’annonce a rassuré les marchés financiers, les actionnaires, et a atténué la colère du clan présidentiel. En attendant les résultats de l’enquête, qui pourraient lier encore un peu plus, le destin de Kinross au pouvoir mauritanien.

Sur un tout autre registre, la signature des accords sur le partage du gaz entre le Sénégal et la Mauritanie le 9 février dernier suscite cette semaine des polémiques dans la capitale sénégalaise.

L’opposition sous la houlette de Rewmi de Idrissa Seck invite les autorités de Dakar à la transparence avant et après la ratification de l’accord par les deux parlements. Une exigence légitime qui fait planer beaucoup de doutes sur le partage de ce gisement gazier le plus important en Afrique de l’Ouest estimé à 450 milliards de mètre cube.