En Mauritanie, les opprimés n’ont jamais ressenti autant d’amertume. La gravité de la situation dans laquelle se trouve le peuple mauritanien, le contraint même à résister à la politique de ceux qui dirigent le pays.
Le renversement de l’oppression a été approuvé par le genre humain et c’est l’aspiration la plus élevée de tout homme libre comme l’a démontré récemment tout près de nous, les peuples du Maghreb (Tunisie, Egypte) et d’Afrique noire (burkinabé). On le voit, les différentes productions intellectuelles et politiques relatives à ce sujet ont, à l’unanimité, axé la solution de cette problématique autour du débat national, sans toutefois en cerner les stratégies de mise en œuvre.
Face aux défis actuels et les spécificités du pays, le moment est venu d’envisager de réunir une convention nationale, un congrès du peuple, représentant tous les gens de ce pays, sans préoccupation de races et d’ethnies, afin de rédiger une Charte Nationale pour une Mauritanie Démocratique. Cette Charte serait une nouvelle constitution, un document issu du peuple, une synthèse des demandes de celui-ci pour mettre fin aux différentes oppressions.
Le temps est venu de prendre une initiative forte de convier tous les partis politiques, toute la société civile, toutes les personnalités indépendantes à cette convention nationale dont le format est à déterminer. C’est un impératif catégorique et une responsabilité historique.
Les problèmes aigus du pays appellent à un débat national franc, honnête et consensuel de toutes les composantes nationales et sociales pour la Refondation de l’Etat et l’émergence d’une nouvelle citoyenneté. Il faudra, sans tarder, en étudier toutes les conditions et les stratégies de mise en œuvre.
Le développement de l’homme mauritanien passera par les voies obligées de l’unité nationale et la démocratie. Leur corollaire, une justice de transition devra servir la société apaisée que nous voulons. Car la paix n’est l’absence de conflit ; la paix est le fruit de la justice.
Cette dialectique entre l’unité, la justice et la paix devrait constituer le triptyque de notre approche de dialogue permanent et non contingent, en direction des questions nationales majeures (esclavage, passif humanitaire, cohabitation) pour l’état multinational mauritanien. Qui a dit que « le dialogue est une autre forme de civilisation » ?
Le champ politique de la Mauritanie est marqué par le caractère trop autocentré de la quasi-totalité des acteurs opérant dans l’espace politique national, l’absence de la communication, du dialogue entre le pouvoir et l’opposition, d’une part, entre les partis politiques eux –mêmes et les acteurs de la société civile, d’autre part, lesquelles malgré les efforts consentis ici et là, se pose le problème de la visibilité dans la lutte pour une solution négociée et acceptable de la problématique de l’unité nationale et la cohésion sociale.
A ces traits généraux, s’ajoutent l’absence de la volonté politique et par conséquent l’inexistence d’une stratégie nationale concertée.les acteurs préférant se regarder en chiens de faïence.
La stratégie procédera de ces données fondamentales pour définir un axe prioritaire orienté vers l’action structurante de concertation en direction des acteurs politiques pour la tenue de cette convention nationale.
Pour ce faire, la création d’un cadre organisé en concertation avec les partis et organisations intéressées par cette problématique, instituant un dialogue participatif dans le processus de formulation et de mise en œuvre d’une stratégie autour de la problématique est plus qu’impératif.
Visitant l’Etat-major de l’OLP en 1975, à Damas, Pompidou écrivait sur le Livre d’Or de l’OLP cette phrase: « Pour mettre fin au terrorisme, il faut mettre fin aux causes qui l’engendrent. ». Cela, c’est la sagesse et pour mettre fin à ces causes, il faut analyser sérieusement la situation car en traitant de ces problèmes, il faut se garder de tout schématiser, parce que la réalité est infiniment plus complexe que tous les schémas et toutes les législations.
La réflexion du Professeur Jean STAROBINSKI aux trente quatrième sessions des Rencontres Internationales de Genève sur la question de l’identité est on ne peut plus accablante : « On s’aperçoit que c’est là aujourd’hui un puissant motif de rassemblement, et un redoutable facteur de division (…) Quoique qu’il en soit, la notion d’identité ethnique, culturelle, ou nationale se montre agissante sur presque tous les continents, et ses conséquences occupent souvent le premier plan d’une actualité tragique. La montée des identités rivales, soutenues par des souvenirs ancestraux belliqueux, provoquent des luttes inexpiables au moment même où devrait prévaloir la lutte contre la pauvreté (…) Les anciennes solidarités se rappellent au souvenir des individus, quand ils ne peuvent plus compter sur les structures étatiques de récente apparition. L’idée plus ou moins mythique des origines communes l’emporte alors sur toute autre considération (…).
Au nom de la sauvegarde d’une identité, tenue pour une fin absolue, tous les moyens deviennent excusables. Dans l’incertitude sur le but futur de l’histoire universelle, l’on cherche refuge, sinon dans le passé ravivé du groupe particulier, du moins dans le « nous »restreint qui récuse sommairement le droit dont se réclament les « autres ». Oui, c’est une obligation morale que de reconnaître et de respecter les identités « ethniques » et culturelles, surtout lorsqu’elles sont minoritaires.
Mais dans cette obligation résulte une conséquence évidente : nulle identité n’a un titre quelconque à s’affirmer comme la seule instance « légitimante », c’est-à-dire comme une valeur première et sans appel, sauf à voir sévir la guerre de tous contre tous. L’identité ne sera jamais le fondement d’une éthique. C’est au contraire, à partir d’une éthique visant l’universel que peut se formuler la juste revendication d’identité.